L’obligation d’une circulaire dans les procédures administratives
Une circulaire dépourvue de caractère impératif ne peut faire l’objet d’aucun recours devant le juge administratif. Pourtant, certaines circulaires sont annulées pour excès de pouvoir lorsqu’elles modifient l’état du droit ou imposent des obligations nouvelles, contredisant la tradition de leur simple caractère interprétatif.
Depuis un arrêt du Conseil d’État en 2002, la distinction entre circulaires interprétatives et réglementaires a cessé d’être un critère absolu pour déterminer leur opposabilité et leur contestabilité. Les agents et les administrés disposent aujourd’hui de nouveaux leviers pour contester l’application de certaines circulaires, même lorsque leur forme ne laisse rien paraître.
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Pourquoi les circulaires administratives posent question dans les procédures
La circulaire s’insère dans le fonctionnement quotidien de l’administration, à la croisée de l’interprétation, de l’instruction et parfois même de la normalisation. Ce document, typique du droit souple, se situe en dehors du champ des lois et décrets, sans force obligatoire pour les citoyens. Pourtant, il oriente les pratiques, façonne les décisions et finit par peser sur la réalité des usagers et des agents. Le Conseil d’État le souligne : le droit souple n’est pas sans impact, il exige qu’on le surveille de près.
Dans cette fameuse hiérarchie des normes, la circulaire occupe la base, bien en dessous des lois et des textes réglementaires. Malgré cela, l’instruction, la note de service ou la recommandation qui émane d’une autorité administrative ou d’un service déconcentré joue un rôle de premier plan sur le terrain, parfois comme si elle avait valeur de règle. Entre circulaires interprétatives, réglementaires, impératives, lignes directrices ou instructions, la frontière entre simple explication et création de normes se brouille.
Voici les points clés à garder en tête pour comprendre la portée réelle des circulaires :
- La circulaire ne peut pas imposer des obligations nouvelles aux administrés sans appui légal.
- Elle s’impose aux agents de l’administration, mais ne peut être opposée au public sauf exception prévue par la loi ou mention expresse.
- En droit administratif, le juge peut contrôler une circulaire si elle change les règles du jeu ou affecte sensiblement la situation d’un individu.
Avec la montée en puissance du droit souple, l’administration cultive une zone d’incertitude : la circulaire, qui n’est ni véritable contrainte, ni simple suggestion, multiplie les règles implicites. Cette prolifération nourrit une tension constante entre les usagers et l’administration, surtout lorsque ces textes empiètent sur les droits fixés par la loi ou la norme supérieure. Les contentieux naissent précisément à ce carrefour, là où l’interprétation se transforme en nouvelle obligation.
Recours contre une circulaire : qui peut agir et dans quelles conditions ?
Le recours pour excès de pouvoir contre une circulaire a longtemps été réservé à des situations bien précises. Seules les circulaires de nature réglementaire ou impérative pouvaient être attaquées, autrement dit, celles qui imposaient des règles inédites ou modifiaient la situation juridique des administrés. Le Conseil d’État a tranché avec l’arrêt Duvignères en 2002 : une circulaire purement explicative, qui n’ajoute rien à la norme, ne peut être contestée. En revanche, dès qu’une note de service, une instruction ou une circulaire ministérielle instaure une obligation nouvelle ou déforme la loi, la contestation devient possible.
Depuis quelques années, la notion d’effet notable s’est imposée dans la jurisprudence, notamment grâce aux affaires GISTI (2020), Fairvesta ou Numericable. Plus besoin de prouver qu’une circulaire est formellement impérative : si elle influence concrètement la situation d’une personne ou oriente clairement un comportement, elle peut être attaquée. Le juge administratif examine alors la légalité de la circulaire et n’hésite pas à l’annuler si elle va au-delà de ce que la hiérarchie des normes autorise, interprète la loi à contresens, ou empiète sur une norme supérieure.
Les personnes pouvant agir sont identifiables :
- Un administré directement concerné par l’application de la circulaire dispose d’un motif d’action.
- Un agent de l’administration peut refuser de mettre en œuvre une circulaire qui méconnaît la légalité.
L’appréciation de l’effet notable exige d’examiner la situation de chaque requérant. Pour que le recours soit admis, il faut démontrer que la circulaire a un impact concret, direct ou indirect, sur les droits ou obligations de la personne concernée. Le juge analyse donc l’influence réelle de l’acte, rompant ainsi avec une vision purement formelle et s’intéressant enfin aux conséquences tangibles des circulaires contestées.
Nouvelles règles d’opposabilité et impact sur les décisions de justice
Désormais, la publication d’une circulaire conditionne sa capacité à produire des effets à l’égard des administrés. Le Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) a encadré cette exigence de transparence : toute circulaire à portée impérative doit être publiée en ligne, sur les sites officiels désignés par décret, sous peine de tomber en désuétude. Si la circulaire reste invisible sur la toile, elle est considérée comme abrogée. Cette règle, introduite en 2019, bouscule les anciennes habitudes et rééquilibre la relation administration-public.
Dès lors, seule la circulaire publiée peut être utilisée contre un administré. Une circulaire restée dans les tiroirs numériques, même signée d’un ministre ou d’une autorité centrale, ne peut justifier ni refus, ni sanction. Cette publicité s’impose à tous les services publics, y compris les collectivités locales, pour garantir la sécurité juridique et rendre le droit accessible à tous.
Le juge administratif applique ce principe sans concession. Toute circulaire impérative qui impose une règle illégale, mal interprète la loi ou perpétue une disposition contraire à une norme supérieure risque l’annulation. Le Conseil d’État défend cette rigueur au nom de l’égalité devant la règle. La Cour de justice de l’Union européenne partage cette approche, ouvrant le recours même contre les actes dépourvus de caractère contraignant dès lors qu’ils produisent des effets juridiques.
| Critère | Effet |
|---|---|
| Publication sur site officiel | Circulaire opposable aux administrés |
| Absence de publication | Circulaire réputée abrogée |
Au fil des évolutions jurisprudentielles et réglementaires, la circulaire, longtemps reléguée à l’ombre des grandes normes, s’invite désormais sur le devant de la scène juridique. Son destin se joue à découvert : publiée, elle s’impose ; ignorée, elle s’efface. Reste à chaque administration de mesurer à quel point ses circulaires, loin des textes anonymes, sont aujourd’hui scrutées à la loupe, et parfois, renvoyées dans les limbes du droit.
